Outre les regards, monuments jalonnant le parcours des eaux de Rungis, de nombreux détails peuvent attirer l'attention : des signatures ou gravures ici et là, des concessions hors des regards, des communications inter-réseaux, les aménagements laissés par l'urbanisme (que l'on pourrait appeler "cicatrices"...)
Tout le long du parcours, les visiteurs des différentes époques ont laissé des traces, soit en écrivant au fusain ou à la mine de plomb, soit en gravant directement dans les pierres de maconnerie.
Le plus illustre de ces arpenteurs est un certain Roudier. On retrouve ses petites gravures à différents endroits :
On retrouve donc la trace des personnes intervenant dans l'aqueduc sur diverses réparation de l'ouvrage (regard, voutes...), mais aussi des fontainiers et des contemporains de la construction, dont la recherche dans les archives révèleraient peut être la fonction.
On retrouve évidemment les marques des visiteurs de toutes époques comme les multiples signatures des "grands arpenteurs de l'aqueduc" (à défaut de connaitre le caractère professionnel ou non de leur visites) : Collin et Bellaire ou Delacour et Lenoir; ou les plus éparses signatures de Rochefort, Derozeri, Barrault, Sudron, Bailly.... Certains ne laisseront qu'un dessin ou une gravure.
Enfin, les arches de renfort, présents tous les 4 mètres, sont doublements numérotés: sur un coté on trouve le numéro de l'arche à partir du regard précédent, de l'autre, on a le numéro de l'arche à partir du regard suivant. D'autres marquages plus récents au fusain puis à la peinture rouge indiquent la distance par rapport aux sources de Rungis.
Au fil des années voire des siècles, nombres d'évolutions de l'urbanisme ont impacté, de près ou de loin, l'aqueduc Médicis. Les plus impactants sont sans conteste le percement des routes et autoroutes souterraines: on compte ainsi le périphérique, l'autoroute A6 et l'autoroute A86 parmi celles-ci. Pour l'A86 par exemple, l'aqueduc a été sectionné en 1990 lors du percement de l'autoroute. L'ancien passage de l'aqueduc est matérialisé dans le tunnel par une plaque. L'eau quant à elle, est dérivée en siphon, et passe désormais sous le tunnel de l'autoroute.
Les constructions contemporaines ont également modifié l'ouvrage au fil des siècles. Nous avons déjà vu quelques regards réaménagés (murage du regard XXI, dalle au plafond dans les regard XI, XIX...), mais l'exemple de dérivation le plus flagrand et le plus destructeur est sans doute au niveau de la ZAC de la Ceriseraie à Fresnes où près de 250m de galerie ont été remplacés par un tuyau ovoïde d'1,50m, type égout.
En moins destructeurs, de nombreuses constructions modernes ont conservé tant bien que mal l'aqueduc, et il reste visible dans plusieurs parkings souterrains / vides sanitaires de ces constructions.
Les travaux de voirie ont aussi sectionné des portions de galeries, tout en laissant l'aqueduc fonctionnel : peu avant le regard IX, l'eau libre part ainsi dans un 2 tuyaux en beton de 50cm de large. Il n'est pas rare de voir également des coffrages de galeries d'égoûts, gaz, éléctricité traverser la galerie.
A noter également, les coupures de galeries (mais où la conduite forcée reste en place et reste fonctionnelle) dûes aux autres aqueducs! Ainsi, on peut noter entre les regardx XII et XIII une conduite de vidange de l'aqueduc de la Vanne transperce la galerie du Médicis, et qu'entre les regards X et XI, l'aqueduc du Loing et du Lunain passe perpendiculairement sous la galerie de l'aqueduc. Un puit de communication existe entre les 2 ouvrages mais est entouré de 2 murs dans la galerie du Médicis. Le trop plein d'eau qui n'a pas pu être canalisé dans la conduite forcée au regard X tombe d'ailleurs dans ce 2e aqueduc dans une rigole d'eaux usées.
Dans Paris, l'aqueduc Médicis n'est malheureusement pas classé. De ce fait, il a été morcelé au fil des ans et des évolutions de l'urbanisme. Même récemment, et malgré les batailles associatives, l'ouvrage a été défiguré et a perdu un tronçon important, tout comme son ancêtre l'aqueduc de Lutèce.
Section de l'aqueduc Romain (© Droits Réservés)
Lors de la mise en place du chemin de fer de Sceaux (ligne du RER B actuel) à partir du milieu du XIXe siècle, les remblais du chantier de mise à niveau des voies ont enseveli le regard 23, ainsi que la galerie d'aqueduc.
Les terrains de part et d'autre de la ligne constituaient un ensemble de voies de garage et de hangars, destinés à la maintenance du matériel roulant.
Ces ateliers de maintenance, reconstruits en 1937 sous la direction d'Eugène Freyssinet, ont été purement et simplement détruits malgré la demande de classement, ouvrant ainsi les travaux de la ZAC Alésia Montsouris en 1995...
Ces terrains domaniaux affectés à la RATP avaient progressivement été abandonnés, avec la mise en place du RER et, en 1995, un nouveau projet vise à remplacer leur affectation par quelque chose de plus... lucratif!
Une Zone d'Amenagement Concerté (ZAC) est prévue, et plusieurs associations de quartier et de patrimoine s'opposent au projet tel qu'il est prévu. Pour ce qui nous intéresse, c'est notamment dû aux carrières de calcaire et aux 2 aqueducs qui traversent la ZAC.
Etat des travaux le 6 mai 1996 avec tracé des aqueducs par Maurice Silvy.
Malgré la sensibilisation des différents acteurs par l'OCRA sur la présence de carrières sous le terrain de la ZAC, certaines portions historiques du sous-sol (le Chemin de l'Echelle, notamment) disparaissent sous les litres d'injection. Notons toutefois que ces actions n'auront pas été complètement vaines puisque quelques galeries, initialement condamnées, ont été sauvées! (une maigre consolation, certes!)
Aqueducs sectionnés - les futures rues prennent forme - fin 1997 (©Maurice Silvy)
Du côté distribution de l'eau, ce n'est pas moins que 2 aqueducs qui parcourrent la ZAC : le Romain et le Médicis. Une fois encore la bataille juridique promoteur/associations (Paris Oxygène, SOS Paris, Paris Historique, OCRA, entre autres) a été rude, et si la conservation complète des ouvrages n'a pas été retenue, le quartier aura un peu conservé de son passé de "porte d'entrée des eaux de Paris".
En effet, ca et là, on retrouve des traces de ces aqueducs:
ZAC Alésia-Montsouris de nos jours